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A la decouverte du style victorien

La reine Victoria Ier de Grande-Bretagne a régné tout au long de l’ère victorienne (de juin 1837 à janvier 1901). En termes de réussite économique, elle marque un tournant dans l’histoire de la nation. La « reine des mers » a régné sur le plus grand empire jamais connu, donnant à la Grande-Bretagne une influence considérable sur la scène mondiale. La première exposition universelle, The Great Exhibition of the Works of Industry of All Nations, organisée à Londres en 1851, a inauguré l’ère victorienne. Elle illustre l’apogée de la gloire britannique.

L’histoire du style victorien en détails

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La révolution industrielle, qui traverse actuellement sa deuxième phase et se caractérise par l’essor du chemin de fer et de la métallurgie, bouleverse la société. Le prolétariat et la bourgeoisie, deux classes sociales qui s’opposent l’une à l’autre, sont apparus à la suite de ces développements. Grâce aux progrès de la technologie et de la science, cette dernière a connu une croissance notable et a continué à s’enrichir. En raison de leur désir de surpasser l’aristocratie, les membres de cette nouvelle classe sociale s’engagent activement dans le renouveau culturel.

La séparation sociale en de nombreux groupes, chacun ayant ses propres intérêts et identités, contribue à expliquer en partie l’éclectisme de l’époque en termes de formes et l’intérêt pour diverses sources d’inspiration. L’uniformité perd du terrain au profit de la diversité et de la variation.

Le style Napoléon III, qui devient populaire en France à cette époque, peut être opposé au style victorien. Il s’agit en fait d’un style composite qui se distingue par sa richesse et qui combine plusieurs sources d’inspiration issues de coutumes anciennes. L’ère victorienne est connue pour son caractère hautain et son assurance extérieure, qui dissimulaient probablement une grave insécurité. Le style victorien a été fortement influencé par le romantisme, qui cherchait à conjurer le mystère, à éveiller les passions et à susciter l’effroi tout en servant de symbole d’opulence et de gloire. Cependant, l’époque se distingue par un regain d’intérêt pour les formes classiques, notamment chez les hommes d’affaires qui cherchaient à légitimer leur argent et leur pouvoir en suivant les exemples de l’Antiquité grecque et romaine. Cette fascination a été attisée par le « Grand Tour », qui est apparu au 18e siècle à la suite des découvertes d’Herculanum et de Pompéi. Grâce à l’accès à un répertoire classique rendu possible par ce voyage, les artistes ont pu donner à leurs créations une perspective nouvelle et la grandeur des modèles antiques.

Cependant, contrairement à la nouvelle clientèle victorienne qui achetait des pièces de peintres britanniques contemporains, la noblesse du XVIIIe siècle préférait les œuvres des grands maîtres qu’elle pouvait acheter en voyageant. En particulier au début de l’ère victorienne, la bourgeoisie privilégie les sujets plus immédiatement reconnaissables, les peintures narratives et les scènes de genre. Cette préférence pour le réalisme et l’art narratif a persisté pendant de nombreuses années, mais elle a finalement été remise en question par un autre courant créatif qui promouvait un art plus complexe et plus lyrique, qui a rapidement séduit les collectionneurs esthètes de la classe des marchands. Le mouvement esthétique, qui imprègne tous les domaines artistiques, y compris la littérature, la peinture et même la musique, définit en fait l’âge victorien. Le mouvement « Art for Art’s Sake » a été promu par cette tendance qui a balayé l’Europe entière. L’amour de la beauté a été encouragé par de grands peintres comme Sir Lawrence Alma-Tadema, Sir Frederic Leighton, Edward Burne-Jones et Albert Moore. Dans les peintures de l’époque qui mettent en avant les femmes en tant qu’objets de désir ou femmes fatales, souvent représentées comme des héroïnes de l’Antiquité ou du Moyen Âge, cette recherche esthétique est tout à fait évidente. Comme en France, le nu mythique était populaire, en particulier chez les bourgeois. Les artistes ont été influencés par l’opulente richesse ornementale de l’ère victorienne, tant dans la construction que dans la décoration intérieure. Ils ont créé des décors somptueux pour un groupe restreint de riches clients.

L’architecture victorienne illustre parfaitement les diverses inspirations qui ont présidé à sa conception. En effet, le Royal Albert Hall of Arts and Science a été construit dans un style néoclassique par certains architectes. En l’honneur du défunt mari de la reine Victoria, il a été inauguré en 1871. D’autres se sont inspirés du passé médiéval, qui a ravivé l’intérêt du grand public. Les peintres victoriens se sont inspirés de formes « néo » telles que le néoclassicisme, le néo-gothique, le néo-roman ou le néo-Renaissance, comme en France.

Comme les meubles géorgiens avant lui, les meubles victoriens sont basés sur des exemples historiques et incorporent des aspects de plusieurs vocabulaires ornementaux utilisés en architecture ou en mobilier. Dans le monde des arts ornementaux, l’ornementation devient très importante, un peu comme en France avec le . L’esthétique victorienne est somptueuse et débordante, mettant l’accent sur les matériaux nobles et l’ornementation. C’est parce que de nombreuses pièces d’art étaient exposées dans les intérieurs victoriens à cette époque que l’expression « bric-à-brac » issue du jargon français est apparue. Ces décorations étaient complétées par des meubles d’époque. Des couleurs sombres, une sculpture complexe et une décoration somptueuse sont autant de caractéristiques du mobilier néo-gothique qui sont reprises dans le design victorien. L’ensemble du décor intérieur (boiseries, garnitures, etc.) et les lignes courbes du mobilier victorien sont fortement influencés par le langage ornemental des périodes rococo et Louis XV. À la suite de la Révolution française et de la dispersion des créations artistiques, le « style français » commence en effet à se répandre en Grande-Bretagne. Le monarque de 1820-1830, le roi George IV, était un fervent partisan de ce mouvement. Il a suscité la création de meubles, de textiles, de poteries et de couverts de style français. Entre 1835 et 1880, le style français s’impose car il représente le summum de la richesse et de l’élégance. Les peintres britanniques étaient influencés par les couleurs riches, les courbes et les enroulements, les riches embellissements et les garnitures complexes. Par exemple, la Minton Ceramic Factory du Staffordshire a reproduit les modèles de la manufacture de Sèvres pour créer des œuvres qui ont été présentées lors des expositions universelles.

Les goûts des pays du Moyen-Orient et d’Extrême-Orient, qui influençaient l’Europe depuis de nombreuses années, étaient également clairement visibles à l’époque victorienne. L’architecte William Burges a participé au néo-gothique, bien que cette tendance orientale se manifeste également dans son œuvre. Le lavabo de Burges de 1879, qui se trouve aujourd’hui au Victoria and Albert Museum et qui a été créé par John Walden pour la chambre d’amis de Tower House, sa résidence londonienne, est l’exemple idéal du syncrétisme victorien. L’architecte n’hésite pas à fusionner des éléments de design japonais et arabes. Sa représentation du harem de l’Arab Room du château de Cardiff n’est pas sans rappeler les perspectives préraphaélites qui séduisent certains peintres français, comme Théodore Chassériau. L’essor de l’exotisme est favorisé par le romantisme dans les arts décoratifs. Avec les livres d’amour courtois et autres romances chevaleresques, il contribue à la revalorisation de l’héritage médiéval. Tous ces nombreux débuts sont illustrés par le Cabinet Saint-Georges, qui se trouve au Victorian and Albert Museum. Le designer William Morris a créé cette représentation de 1861-1862 du conte de Saint-Georges et du dragon, qui a eu un impact sur les peintures pré-réphaélites et symbolistes françaises. Il a choisi des matériaux nobles, notamment un bois rare appelé acajou.

Les arts du Moyen-Orient et d’Extrême-Orient ont longtemps piqué la curiosité des architectes et des critiques les plus éminents du monde (dont Burges mais aussi Owen Jones, James Fergusson et John Ruskin). La célèbre Peacock Room de James Abbott McNeill Whistler est une excellente illustration du style anglo-japonais qui émergeait à l’époque. Le Japon a rouvert ses frontières en 1853, et la simplicité et la pureté de l’art japonais ont eu un impact sur le mobilier européen. Certains peintres développent un lexique de formes influencé par la calligraphie, la nature et les contes de Chine et du Japon. C’est ainsi que certains éléments architecturaux de temples chinois, associés à des thèmes végétaux ou à des dragons orientaux, se retrouvent dans les œuvres de plusieurs artistes français, comme Gabriel Viardot.

L’introduction de deux nouveaux styles – le mouvement Arts and Crafts et le Liberty and Co. à la fin du XIXe siècle, a marqué la naissance du style victorien, qui se compose d’une variété de composantes stylistiques issues de vocabulaires ornementaux riches et variés. Le style Arts & Crafts utilise des formes complexes mais néanmoins basiques des 18ème et 19ème siècles et poursuit la tradition médiévale d’exalter les qualités du travail des artisans. Le style Liberty and Co. a été influencé par les œuvres d’art du Japon, de la Chine, de l’Iran, de l’Inde et même de l’Égypte. Le peuple était captivé par l’époque des pharaons, un peu comme en France avec l’égyptomanie. Le nom de ce style provient d’une entreprise fondée par A.L. Liberty à Londres, qui vendait des marchandises en provenance du Moyen-Orient et de l’Extrême-Orient et menait des opérations dans les domaines de la mode, du mobilier et des objets d’art événementiel (vases, horloges, bijoux, tapisseries, etc.). L’Art Nouveau est associé à des articles de style contemporain et à des antiquités anglo-orientales. A.L. Liberty a dû engager des architectes comme Arthur Silver ou Archibald Knox pour faire face à la demande croissante car il était toujours sollicité par sa clientèle.